mercredi 15 janvier 2014

Les visages ou le faux thriller




Les visages, prix des lectrices Elle en 2010, était annoncé, promotion oblige, comme un thriller passionnant. L’intrigue était d’ailleurs alléchante : un galeriste découvre des dessins mais leur auteur, bien qu’identifié, est introuvable. Quelques temps après la parution d’une photographie de l’une de ces mystérieuses œuvres, un ancien policier contacte le galeriste pour lui expliquer que les visages angéliques représentés sur le dessin sont ceux d’enfants qui ont étaient assassinés une trentaine d’années plus tôt. Quel lien l’artiste a-t-il avec ces affaires ? A-t-il commis ces meurtres ? Où se trouve-t-il ? Telles sont les questions auxquelles vont tenter de répondre Ethan, le galeriste et l’ancien policier.







Ce récit, qui se voulait palpitant, est pourtant très lent. Certes, le lecteur suit pas à pas l’enquête, et cette lenteur est voulue : elle se veut proche du rythme d’une véritable enquête. Toutefois, le roman perd de ce fait sa dimension de « thriller » : le lecteur ne frémit pas d’angoisse, ne frissonne pas de peur  (alors que « a thrill » signifie tout de même un frisson).
Enfin, l’auteur intercale des analepses (équivalents des flashbacks)  intitulés « interludes » : ces chapitres, bien qu’essentiels à la compréhension du récit, ralentissent encore le rythme de la narration. Néanmoins, ils apportent une dimension supplémentaire à ce roman : grâce à eux, il ne se borne pas à être un mauvais thriller mais s’étoffe pour ressembler à une saga familiale policière.
C’est donc davantage, de mon point de vue, un policier qu’un thriller. En effet, ce livre ne vous procurera aucun véritable frisson et vous pourrez allègrement, comme je l’ai fait plusieurs fois, poser votre livre au milieu d’un chapitre et vous endormir sans être rongé par l’envie de connaître la suite.
Enfin, un autre élément, qui lui concerne la narration, m’a gêné. L’auteur, dont c’est le premier roman, semble avoir été incapable de se décider entre deux types de narration. En effet, son récit débute par une adresse du héros- narrateur au lecteur (et se clôt de même) mais celui-ci n’intervient plus au cours du récit. Le début et la fin du roman semblent donc assez artificiels ce qui est regrettable puisque ce sont tout de même deux moments essentiels d’un roman !



En bref : Ce n’est pas un ouvrage extraordinaire mais pas non plus de ces livres que l’on termine à contre cœur, seulement parce que l’on veut terminer ce que l’on a commencé. C’est principalement la manière dont est présenté ce roman qui m’a déçue : ce n’est pas un thriller. Il aurait été présenté comme une « saga familiale à suspens » (oui, j’invente des dénominations !) j’aurais dit que c’était un ouvrage agréable à lire mais il est vendu comme un thriller, et dans ce cas, pour moi, c’est un mauvais thriller.



jeudi 2 janvier 2014

Envie de lire #1

     A nouvelle année, nouvelle rubrique ! Voici la rubrique "envie de lire". Tous les quinze jours, un point sur les livres que j'ai envie de lire mais que je n'ai pas encore lus ! Pour cette quinzaine, c'est :



 Atonement connu en français sous le titre Reviens-moi.

     Oui, vous avez raison, c'est bien Keira Knightley sur la couverture car ce livre a été adapté au cinéma ! Comme j'ai découvert ce livre en entendant parler du film, je possède le livre avec une "couverture affiche". (Bref, je m'égare ...)
     Mon attention avait été retenue par le scénario tragique du film :  la jeune Brionny surprenait sa sœur avec un domestique et proférait des accusations mensongères à l'encontre de ce dernier. Ces mensonges provoquaient une suite de drames : le jeune homme était emprisonné puis envoyé au front.
     Cependant, lorsque j'ai appris que c'était l'adaptation d'un livre de McEwan publié en 2001, j'ai préféré acheter l'ouvrage.
     En effet, je fais partie de ceux qui sont fréquemment déçus par les adaptations cinématographiques de livres qu'ils ont lu car les acteurs n'incarnent pas les personnages tels qu'on se les était imaginés, ou parce que les scénaristes ont maltraité le récit original ... Il est donc rare que les images du film correspondent à celles que j'avais en tête ce qui gâche un peu mon plaisir.

     Même si ce film (et donc mon achat) date de 2007, je n'ai toujours pas eu l'occasion de lire ce livre à cause d'examens à préparer, de livres à lire de manière plus urgente ou de modification de mon emploi du temps ("Oh, génial, un après-midi entier à lire" me dis-je lorsque déboule quelqu'un avec un truc saugrenu à faire. Ça a dû vous arriver aussi.).
     Atonement (en V.O. dans ma bibliothèque) attend donc sagement sur un des rayonnages que l'envie de le lire me (re)prenne.



mercredi 23 octobre 2013

Les dents de la nuit ou comment délivrer vos enfants du sortilège Twilight et The Vampire diaries





   
     Si les termes "Twilight", "The Vampire diaries", "Vampire" et autres joyeusetés ont l'habitude de résonner à vos oreilles, cela signifie probablement :

1) que vous êtes le parent d'un ado / vous êtes un ado / vous aimez ce type d'ouvrages,
2) que vous allez le/vous tourner vers une littérature plus classique et plus (re)connue grâce à l'ouvrage dont je vais vous parler aujourd'hui (ne me jetez pas de pierre, chaque type de lecture à son intérêt, je dis juste que si vous souhaitez découvrir ou faire découvrir des auteurs connus à vos enfants, ce livre est fait pour vous.)

     En effet, Sarah Cohen-Scali propose, à travers la "petite anthologie "vampirique" " qu'elle a composée, de découvrir le mythe du vampire, figure littéraire qui ne se limite pas à Edward, Stephen, Daemon ou même Dracula. Cohen-Scali a sélectionné des nouvelles aussi bien françaises qu'étrangères datant du XIXème et du XXème siècle. On prend ainsi plaisir à (re)découvrir des nouvelles de Gautier, Dumas, Tolstoï, Stoker ou Bradbury et l'on constate que le personnage du vampire est bien plus fascinant et protéiforme que ne le laisse entrevoir les récits actuels.
      Je me permets d'ailleurs d'attirer votre attention sur la nouvelle "La morte" de Maupassant (rien à voir avec "La Morte amoureuse" de Gautier) qui combine habilement le frisson avec une certaine pointe d'humour. Cette brève nouvelle fantastique à chute est vraiment formidable. A contrario, j'ai été moins charmée par deux nouvelles du XXème siècle : "Processus de sélection" d'Ed Gorman et "Le Rapace nocturne" de Stephen King dont certains termes ne sont pas forcément adaptés à un public trop jeune (même si je ne suis pas dupe : je sais bien que les ados connaissent ce vocabulaire).



En bref : Des auteurs issus d'horizons divers, des nouvelles variées (parfois abrégées) qui permettent de découvrir la figure du vampire dans la littérature. Un ouvrage à mettre entre les mains des ados aussi bien qu'entre celles de leurs parents tant ces nouvelles sont fascinantes.

Les séparées ou le syndrome du récit qui ne va pas là où on veut ...






     Avez-vous déjà étés victimes de ce syndrome ? Je parle du "syndrome du récit qui ne va pas là où on veut". Je m'explique. Vous entamez la lecture d'un roman et vous vous apercevez (ou peut-être aviez-vous choisi ce roman à dessein) qu'il fait écho à quelque chose qui vous intéresse, que vous avez connu ou vécu ... Votre esprit va alors vouloir tordre le récit pour qu'il colle à vos attentes et vous allez, par exemple, anticiper la fin du roman au lieu de vous laisser guider par le narrateur. Une variante est d'entamer une sorte de dialogue intérieur avec l'auteur ("Mais pourquoi avez-vous écrit cela ? Ce n'était pas la chose la plus intéressante ! Pourquoi ne pas avoir ... ? etc) (en vrai, c'est bien moins étrange que lorsque l'on tente de l'expliquer par écrit).

     En tout cas, c'est exactement ce qui s'est produit pour moi à la lecture des Séparées de Kéthévane Davrichewy, récit qui n'a cessé de contrarier mes attentes de lecture.
     Le roman s'ouvre lors de la soirée électorale de 1981, à laquelle assistent Alice et Cécile. Le lecteur découvre alors l'amitié qui unie les deux jeunes filles. Par la suite, il les retrouve lors d'un rendez-vous bien des années plus tard et constate que leur relation s'est transformée : les deux femmes s'envoient des piques, se brouillent et l'amitié laisse finalement place à la rancœur.  La narration, finement construite, se met alors en place : la parole est laissée tantôt à Alice, tantôt à Cécile qui, plongée dans le coma, imagine les lettres qu'elle voudrait écrire à Alice.
     Tout au long du récit, l'auteur explore les différentes facettes de l'amitié : la joie, le soutien mais aussi les malentendus ou la jalousie. Se dresse alors un panorama assez complet de la relation amicale de son début jusqu'à sa fin.

      C'est d'ailleurs grâce ou plutôt à cause de cette représentation si fine et précise de l'amitié que j'ai été victime du syndrome dont je vous parle aujourd'hui. En effet, ayant connu, comme nombre d'autres, une déception amicale, je ne cessais d'imaginer les réactions des personnages ainsi que le tournure des événements et ne cessais donc pas d'être contrariée puisque le récit ne suivait évidemment pas ma volonté (surtout à la fin).

     Ce syndrome crée nécessairement une forme de contrariété mais il ne gâche pas toujours une lecture : n'est-ce pas un des plaisir de la lecture que de se laisser entraîner hors des sentiers battus par notre esprit ?


 En bref : La grande finesse de ce récit, aussi bien au niveau de la narration que de la représentation de l'amitié, font de ce roman un ouvrage intéressant. Néanmoins, je ne peux m'empêcher de me (et de vous) demander : pourquoi, mais pourquoi une telle fin ? (Bien moins délicate que le reste de l'ouvrage mais bien plus sensationnelle).

lundi 7 octobre 2013

Le roi Arthur de Michael Morpurgo ou quand Arthur m'endort ...

    





     Le titre est un peu excessif mais les faits sont bien là : mêle si le sujet est passionnant, je ne peux pas lire cet ouvrage sans être prise d'une irrépressible envie de dormir. L'effet de cet ouvrage sur moi est un mystère ...

     En effet, je ne peux pas l'expliquer par une mauvais qualité du livre mais plus probablement par la fatigue qui m'accable en ce moment (vive la rentrée). La seule critique valable sur ce point est donc que ce roman n'est pas un "page turner" (et c'est aussi bien car je ne suis pas une grande fan des "page-turner" (quelqu'un connaît-il un mot pour traduire ce terme en français ?) ). En tout cas, ce n'est pas le genre d'ouvrage qui vous fera dire "Vite, vite, il faut que je sache la suite, je dormirai un autre jour".
     Passé ce premier constat, ce roman est plutôt bien construit. Il décrit l'histoire d'un jeune garçon qui manque de se noyer après avoir été surpris par la marée haute et qui est sauvé par Arthur Pendragon. Celui-ci va alors lui raconter l'histoire des chevaliers de la table ronde et sa propre vie.

     J'aime beaucoup l'idée qu'Arthur raconte sa propre histoire à un jeune garçon de notre époque (bien que le cadre spatio-temporel du roman ne soit pas clairement défini). C'est d'autant plus intéressant que cela fait écho au fait que les récit arthuriens, qui datent du Moyen-Age, étaient à l'époque transmis de manière orale.



En bref : Ce récit, à la fois intéressant, instructif et au vocabulaire chosi, manque un peu de rythme à mon goût. Cela ne m'a pas pour autant définitivement détourné de l'auteur dont je compte bien découvrir d'autres romans mais nous face à la question suivante : les enfants, cibles premières de ce roman, ne peuvent-ils pas être rebutés par ce rythme relativement lent ?

lundi 3 juin 2013

Star-crossed lovers de Mikaël Ollivier ou comment parasiter un roman à cause d’une référence inutile










          Star-crossed lovers raconte l’histoire de deux adolescents qui tombent amoureux l’un de l’autre. Cette histoire d’amour est contrariée par la famille des héros : elle est la fille du responsable syndical de l’usine de la ville, il est le fils du patron de l’entreprise. De plus, le patron cherche à fermer l’usine … La passion des deux jeunes gens ne naît donc pas sous les meilleurs auspices. Au fil des jours, les deux jeunes gens se découvrent et apprennent à connaître l’univers si différent de l’autre : lui vit dans une grande maison et se passionne pour la musique classique, elle vit dans une petite maison qui bruit des voix de sa famille et de ses nombreux amis.


Un récit caricatural ?

                Le roman possède en effet une dimension caricaturale dans la mesure où le jeune homme, au prénom composé, évidemment, vit une grande maison, a des parents qui lui apportent un confort matériel mais pas de sécurité affective, adore la musique classique, ne sort jamais alors qu’à l’opposée, l’héroïne habite dans une petite maison quasiment surpeuplée, écoute de la variété et sort sans avertir ses parents. De ce point de vue, le récit est effectivement caricatural.
                Pourtant, lorsque l’on considère d’autres aspects du récit, je serais tentée d’affirmer qu’il ne l’est pas assez. En effet, le titre choisi par Mikaël Ollivier n’est pas anodin : il fait référence aux deux amants maudits les plus célèbres de la littérature, à savoir Roméo et Juliette. Pourtant, selon moi, son récit n’entretient qu’un rapport ténu avec celui de Shakespeare : point d’équivalent de Mercutio, pas de réelle interdiction de se fréquenter faite aux jeunes gens … Ainsi, le lien entre les deux ouvrages n’est pas totalement justifié car l’intrigue n’est pas suffisamment proche de celle de la pièce de Shakespeare et la passion entre les deux adolescents n’est pas aussi intense.
                Mais, au-delà de la référence (utile ou non) à l’œuvre de Shakespeare, l’un des intérêts majeurs de cet ouvrage est d’évoquer des questions de société : les délocalisations et le chômage. Ce n’est pas un ouvrage militant, loin de là, mais en relatant une histoire d’amour sur fond de fermeture d’usine, l’auteur donne une place importante à un sujet lourd et le fait entrer dans l’univers des adolescents.


En bref : Une histoire d’amour assez banale entre deux jeunes gens qui vaut surtout pour le contexte dans lequel elle se déroule, contexte qui suscitera probablement des réactions de la part les jeunes lecteurs.

Le « pourquoi du comment du titre » : C’est une citation extraite de Roméo et Juliette de William Shakespeare. Tout comme dans la fameuse pièce, les deux protagonistes sont amoureux mais le conflit entre leurs familles menace leur histoire.

Remarque : Mais pourquoooooooooooooooooi une telle fin ? Elle discrédite totalement la référence à Roméo et Juliette !

Les Revenants de Laura Kasischke ou comment jouer avec l’horizon d’attente du lecteur





Dans cet ouvrage, Craig, étudiant, est persuadé de revoir sur le campus de son université Nicole, sa petite amie décédée par sa faute dans un accident de voiture. En voyant l’effet que cela produit sur le jeune homme, son colocataire, Perry, lui aussi obsédé pas la jeune femme décide d’enquêter sur le phénomène. Il demande l’aide d’une des professeures de l’université dont les cours portent sur les rites funéraires et les superstitions autour de la mort. Celle-ci voit dans cette histoire le sujet d’un article qui lui permettrait d’obtenir sa titularisation. Parallèlement, Shelly, témoin de l’accident dans lequel Nicole est morte, ne comprend pas pourquoi les journaux relatent une version erronée du fait divers. Malgré son obstination, personne ne semble vouloir prendre en compte ses dires.


Le titre du roman incite le lecteur à lire cet ouvrage comme un texte fantastique. De plus, les faits étranges ne cessent de se multiplier et se produisent dans des circonstances qui laissent le lecteur circonspect : un jeune homme croit discerner Nicole de loin dans la pénombre, un autre, drogué notoire, témoigne de la même chose et meurt peu après … Le lecteur ne cesse de se demander si les personnages principaux ont raison de croire à la réapparition de Nicole où s’ils sont dupés par leurs obsessions (amour, carrière …). Après de multiples fausses pistes et détours, le récit se termine de façon à répondre aux interrogations du lecteur (ce qui m’a ravi car, même si j’aime que le doute plane à la fin de certains romans, je n’aurais pas apprécié cela dans ce cas précis).
Cette atmosphère à la fois addictive et oppressante, si prégnante dans le roman, provient non seulement des faits racontés mais aussi de la manière dont ils sont décrits. Laura Kasischke orchestre avec une maîtrise parfaite ce roman choral. Parfois, les doutes de chacun des personnages se font écho, d’autres fois, l’enthousiasme de certains se heurte au scepticisme des autres et, lorsqu’un des personnages est sur une piste intéressante, l’auteur concentre son récit sur un autre, frustrant ainsi le lecteur. Ce n’est donc pas pour rien que Laura Kasischke enseigne  « l’art du roman » (dixit la note bibliographique de l’édition du Livre de Poche) à l’université !
Néanmoins, je m’étonne qu’elle enseigne à l’université car la façon dont elle décrit le milieu universitaire rend celui-ci méprisable : l’obéissance à la hiérarchie surpasse les qualités des enseignants, les fraternités et les sororités jouissent de passes droit, les responsables prennent des décisions arbitraires … Il ne fait pas bon évoluer dans le monde universitaire tel qu’il est décrit par l’auteure américaine !


En bref : Un ouvrage captivant qui ne cesse de dérouter le lecteur : ceux qui affirment avoir aperçu Nicole sont-ils sains d’esprit ? S’ils l’ont vraiment vue, que cela signifie-t-il ? Nicole est-elle une revenante ? Est-elle un être humain ou autre chose ?

Le « pourquoi du comment du titre » : Craig aperçoit Nicole qui est pourtant morte, ce qui fait d’elle une revenante. Le pluriel indique au lecteur qu’elle n’est probablement pas la seule…