Avez-vous déjà étés victimes de ce syndrome ? Je parle du "syndrome du récit qui ne va pas là où on veut". Je m'explique. Vous entamez la lecture d'un roman et vous vous apercevez (ou peut-être aviez-vous choisi ce roman à dessein) qu'il fait écho à quelque chose qui vous intéresse, que vous avez connu ou vécu ... Votre esprit va alors vouloir tordre le récit pour qu'il colle à vos attentes et vous allez, par exemple, anticiper la fin du roman au lieu de vous laisser guider par le narrateur. Une variante est d'entamer une sorte de dialogue intérieur avec l'auteur ("Mais pourquoi avez-vous écrit cela ? Ce n'était pas la chose la plus intéressante ! Pourquoi ne pas avoir ... ? etc) (en vrai, c'est bien moins étrange que lorsque l'on tente de l'expliquer par écrit).
En tout cas, c'est exactement ce qui s'est produit pour moi à la lecture des Séparées de Kéthévane Davrichewy, récit qui n'a cessé de contrarier mes attentes de lecture.
Le roman s'ouvre lors de la soirée électorale de 1981, à laquelle assistent Alice et Cécile. Le lecteur découvre alors l'amitié qui unie les deux jeunes filles. Par la suite, il les retrouve lors d'un rendez-vous bien des années plus tard et constate que leur relation s'est transformée : les deux femmes s'envoient des piques, se brouillent et l'amitié laisse finalement place à la rancœur. La narration, finement construite, se met alors en place : la parole est laissée tantôt à Alice, tantôt à Cécile qui, plongée dans le coma, imagine les lettres qu'elle voudrait écrire à Alice.
Tout au long du récit, l'auteur explore les différentes facettes de l'amitié : la joie, le soutien mais aussi les malentendus ou la jalousie. Se dresse alors un panorama assez complet de la relation amicale de son début jusqu'à sa fin.
C'est d'ailleurs grâce ou plutôt à cause de cette représentation si fine et précise de l'amitié que j'ai été victime du syndrome dont je vous parle aujourd'hui. En effet, ayant connu, comme nombre d'autres, une déception amicale, je ne cessais d'imaginer les réactions des personnages ainsi que le tournure des événements et ne cessais donc pas d'être contrariée puisque le récit ne suivait évidemment pas ma volonté (surtout à la fin).
Ce syndrome crée nécessairement une forme de contrariété mais il ne gâche pas toujours une lecture : n'est-ce pas un des plaisir de la lecture que de se laisser entraîner hors des sentiers battus par notre esprit ?
En bref : La grande finesse de ce récit, aussi bien au niveau de la narration que de la représentation de l'amitié, font de ce roman un ouvrage intéressant. Néanmoins, je ne peux m'empêcher de me (et de vous) demander : pourquoi, mais pourquoi une telle fin ? (Bien moins délicate que le reste de l'ouvrage mais bien plus sensationnelle).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire