lundi 3 juin 2013

Les Revenants de Laura Kasischke ou comment jouer avec l’horizon d’attente du lecteur





Dans cet ouvrage, Craig, étudiant, est persuadé de revoir sur le campus de son université Nicole, sa petite amie décédée par sa faute dans un accident de voiture. En voyant l’effet que cela produit sur le jeune homme, son colocataire, Perry, lui aussi obsédé pas la jeune femme décide d’enquêter sur le phénomène. Il demande l’aide d’une des professeures de l’université dont les cours portent sur les rites funéraires et les superstitions autour de la mort. Celle-ci voit dans cette histoire le sujet d’un article qui lui permettrait d’obtenir sa titularisation. Parallèlement, Shelly, témoin de l’accident dans lequel Nicole est morte, ne comprend pas pourquoi les journaux relatent une version erronée du fait divers. Malgré son obstination, personne ne semble vouloir prendre en compte ses dires.


Le titre du roman incite le lecteur à lire cet ouvrage comme un texte fantastique. De plus, les faits étranges ne cessent de se multiplier et se produisent dans des circonstances qui laissent le lecteur circonspect : un jeune homme croit discerner Nicole de loin dans la pénombre, un autre, drogué notoire, témoigne de la même chose et meurt peu après … Le lecteur ne cesse de se demander si les personnages principaux ont raison de croire à la réapparition de Nicole où s’ils sont dupés par leurs obsessions (amour, carrière …). Après de multiples fausses pistes et détours, le récit se termine de façon à répondre aux interrogations du lecteur (ce qui m’a ravi car, même si j’aime que le doute plane à la fin de certains romans, je n’aurais pas apprécié cela dans ce cas précis).
Cette atmosphère à la fois addictive et oppressante, si prégnante dans le roman, provient non seulement des faits racontés mais aussi de la manière dont ils sont décrits. Laura Kasischke orchestre avec une maîtrise parfaite ce roman choral. Parfois, les doutes de chacun des personnages se font écho, d’autres fois, l’enthousiasme de certains se heurte au scepticisme des autres et, lorsqu’un des personnages est sur une piste intéressante, l’auteur concentre son récit sur un autre, frustrant ainsi le lecteur. Ce n’est donc pas pour rien que Laura Kasischke enseigne  « l’art du roman » (dixit la note bibliographique de l’édition du Livre de Poche) à l’université !
Néanmoins, je m’étonne qu’elle enseigne à l’université car la façon dont elle décrit le milieu universitaire rend celui-ci méprisable : l’obéissance à la hiérarchie surpasse les qualités des enseignants, les fraternités et les sororités jouissent de passes droit, les responsables prennent des décisions arbitraires … Il ne fait pas bon évoluer dans le monde universitaire tel qu’il est décrit par l’auteure américaine !


En bref : Un ouvrage captivant qui ne cesse de dérouter le lecteur : ceux qui affirment avoir aperçu Nicole sont-ils sains d’esprit ? S’ils l’ont vraiment vue, que cela signifie-t-il ? Nicole est-elle une revenante ? Est-elle un être humain ou autre chose ?

Le « pourquoi du comment du titre » : Craig aperçoit Nicole qui est pourtant morte, ce qui fait d’elle une revenante. Le pluriel indique au lecteur qu’elle n’est probablement pas la seule…

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