J'ai
découvert cette auteure par hasard, en tombant sur son dernier livre paru en
France, Les Revenants, dans une librairie. Ce titre a tout de suite
attiré mon attention puisqu'à l'époque, Canal+ diffusait les derniers épisodes
de la première saison de la série Les Revenants que j'ai trouvée très
intéressante et j'ai voulu savoir dans quel mesure il existait un lien ou une
résonance entre ces deux oeuvres.
Deux lignes deux
forces se dégagent des quelques romans de Laura Kasischke que j’ai lus :
Tout d’abord, l’intrigue de chacun de ses ouvrages ressemble à un entrefilet de
la page "faits divers" d’un journal : « une jeune fille
décède dans un accident de voiture alors que son petit-ami, conducteur du
véhicule, est indemne », « une maladie pour l’heure inconnue se
développe » … Les intrigues ainsi résumées semblent assez racoleuses mais
le contraste entre l’intrigue assez simpliste et la narration à la fois
complexe et bien menée met en lumière le talent de conteur et de stratège de
l’écrivain.
En effet, même si le lecteur perçoit que certains éléments du récit sont
importants, il ne comprend leur portée que lorsque l’auteure lui en donne la
possibilité. Laura Kasischke semble prendre plaisir à jouer aussi bien avec ses
personnages qu’avec ses lecteurs : parfois, ces derniers déchiffrent un
élément comme étant une clé de l’intrigue et brûleraient de le murmurer à
l’oreille du personnage principal, bien avant que ce dernier n’en saisisse le
sens, d’autres fois, lecteurs comme personnages sont plongés dans une
atmosphère anxiogène sans vraiment pourvoir en expliquer la cause, jusqu’à ce
que l’auteur la leur dévoile.
Ainsi,
Laura Kasischke, par son talent d’écrivain, parvient à donner une profondeur à
des récits de prime abord assez simples, profondeur qui vient aussi bien de la
complexité maîtrisée de la trame narrative que d’un thème récurrent qui semble
aussi bien travailler l’œuvre que son auteur.
Plus qu’un thème, cela semble même constituer le leitmotiv des récits de Laura
Kasischke : le couple antithétique éros et thanatos. En
effet, chacun des romans de Laura Kasischke évoqués ici présente le récit d’une
ou plusieurs passions charnelles, souvent décrites de manière détaillée.
Cependant, ces histoires ne sont pas idylliques et ne transforment pas le monde
des personnages principaux en un monde idéal où règne la paix, l’amour et le
bonheur. Chacune de ces passions connaît un contre-point macabre.
Ainsi,
après avoir épousé un séduisant pilote de ligne, l’héroïne de En un monde parfait
voit son horizon professionnel se rétrécir puis disparaître lorsqu’elle se
retrouve réduite à un ersatz d’épouse et de mère. Parallèlement, le monde
qu’elle connaît se désagrège peu à peu sous l’effet d’une épidémie qui ravage
l’humanité.
Dans
A toi pour
toujours, l’héroïne vit une passion torride mais le transport que lui
inspire son histoire d’amour est tous les jours entaché lorsqu’elle croise, sur
la route entre son domicile et celui de son amant, le cadavre d’une biche
qu’elle a renversée et qui se décompose au fil du temps. Cette carcasse peut
être comprise comme la métaphore de son couple qui se meurt et/ou de son
aventure extra-conjugale dont la résolution ne peut être que tragique. Le même
principe s’applique au roman Les Revenants.
Cette tension perpétuelle entre passion et mort confère une atmosphère
particulière aux romans de Laura Kasischke. Le lecteur ne peut jamais
totalement entrer en sympathie avec le personnage principal car l’atmosphère
mortifère qui entoure le récit l’inquiète et l’invite à rester à distance afin
d’observer comment et si le héros pourra résoudre son problème.
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